L'écholocation, ici chez un grand dauphin mais valable pour tous les cétacés
L'écholocation est un faculté sensorielle qui permet aux cétacés de survivre dans les fonds marins aux eaux souvent troubles et sombres. Il s'agit d'un procédé consistant à sonder l'environnement en émettant des sons particuliers et en analysant l'écho de ces sons, renvoyés par les différents corps qui composent le milieu physique. Le son voyageant mieux sous l'eau que les signaux électromagnétiques, thermiques, chimiques ou lumineux, il était particulièrement avantageux pour les dauphins de recourir à l'écholocation qui est, en un sens, une utilisation de l'énergie acoustique pour "voir" sous l'eau. Synonyme de "sonar" (Sound Navigation and Ranging) - les deux termes sont indistinctement employés -, l'écholocation telle qu'elle est pratiquée par les dauphins et autres cétacés est considérée comme la technique la plus avancée qui soit à l'heure actuelle, plus performante que n'importe quel système similaire, naturel ou mis au point par l'homme.
Cette adaptation, parfait produit de l'évolution, a contribué au succès des cétacés dans la chasse et dans leurs autres méthodes d'acquisition de nourriture et, plus globalement, à leur survie en tant qu'espèces. De fait, ces mammifères s'avèrent particulièrement doués pour rechercher leur nourriture dans les eaux côtières bruyantes et peu profondes , encombrées de roches et autres objets. Grâce à leur sonar, ils peuvent détecter et identifier des proies enterrées jusqu'à près de 50 centimètres dans les fonds sableux des mers ou des fleuves; un talent qui a aiguillonné l'imagination (et l'envie) des hommes ayant créé les systèmes de sonar artificiels. Les chercheurs qui, sur les bancs sableux du Grand Bahama, ont étudié ce comportement chez le grand dauphin, ont constaté que l'animal, en se déplaçant le long du fond marin le rostre dirigé vers le bas, effectue des mouvements de balayage de la tête, soit d'avant en arrière, soit circulaires, tout en émettant des trains d'ondes. L'espèce a été observée creusant le sable du fond afin d'attraper une proie ainsi localisée. Une telle disposition est sans équivalent dans les anales du développement des systèmes de sonar créées par la technologie humaine.
Pour nous, dans la mesure où nous sommes dans l'impossibilité de mettre au point un système capable de faire aussi bien, ces capacités paraissent confondantes. Nous disposons toutefois, grâce aux nombreuses études qui ont été menées sur le sujet, de quelques connaissances élémentaires sur la manière dont fonctionne le sonar de ces animaux.
La gamme des fréquences audibles par les dauphins est très large: de 100 000 à 150 000 cycles par seconde environ, alors que l'homme ne perçoit pas les sons dont la fréquence est située au-dessus de 15 000 cycles par secondes. Ce vaste spectre auditif leur permet d'utiliser, en écholocation, des signaux de très haute fréquence. En effet, plus la fréquence d'un signal est élevée, plus sa longueur d'onde est courte. Ainsi, plus précise est la détection et plus petits sont les objets détectables par ce moyen.
Le processus d'écholocation débute par l'émission de séries d'impulsions très brèves, appelées clics (voir Le vocabulaire des cétacés), dont la durée est généralement de moins de 50 à 70 millionièmes de seconde. Ces trains de clics sont émis par le melon, qui contient des tissus adipeux spéciaux permettant à l'animal de focaliser les ondes en faisceaux étroits. Les échos renvoyés par les objets présents dans l'environnement sont captés par la mâchoire inférieure du dauphin. Il y pénètrent par centaines et sont ensuite dirigées vers les os de l'oreille interne par des canaux lipidiques. Les caractéristiques des échos sont ensuite directement transmises à l'encéphale (ensemble des centres nerveux contenus dans la boîte crânienne de tous les vertébrés).
Les clics très courts utilisés par les dauphins sont porteurs d'une quantité d'informations bien plus considérables sur un objet analysé que les ondes plus longues émises par les sonars créés par l'homme. Les sons sous-marins peuvent pénétrer les corps, produisant non seulement des échos de la surface externe des objets, mais aussi d'autre surfaces au cur même des objets. Cela permet aux dauphins d'obtenir des données bien plus complètes qu'avec des échos réfléchis par la seule surface externe. Les dauphins étant, en outre, des animaux très mobiles, ils peuvent diriger leurs faisceaux de clics sous de nombreux angles distincts, qui leur renvoient chaque fois des informations un peu différentes. Et parce que ces clics sont si brefs et si nombreux, les multiples échos en provenance des surfaces internes reviennent à l'animal émetteur par entités distinctes et l'aident à distinguer certains types d'objets. Assistés par une excellente mémoire spacio-auditive, il semble que les dauphins soient capables de mémoriser toutes les informations importantes reçues par les échos obtenus à partir de différentes positions et orientations tandis qu'ils naviguent et sondent leur environnement marin.
Cette mobilité et cette remarquable mémoire spacio-auditive sont autant des capacités qui améliorent les performances du système d'écholocation des dauphins. Une grande partie de leur gros cerveau (plus volumineux que le cerveau humain) étant dédiée au traitement des signaux acoustiques, on comprend mieux l'extraordinaire faculté sensorielle du point de vue évolutif. Pourtant, il n'est pas une partie du sonar du dauphin quoi soit plus importante que les autres. Le système doit être considéré dans son ensemble, comme un dispositif parfaitement adapté aux besoins de ces cétacés en matière de recherche de proies, d'évitement des prédateurs et autres situations dangereuses.